
Quitte ou double l'imprimer
[ Recommandation de Tim Schomacker ] Dans le fond, ce livre est si instamment exceptionnel qu’il devrait être représenté tout seul ici. Juste avec une photo de la couverture. Avec des lettres rouges et bleues (pour l’édition allemande*). Ce livre EST simplement : QUITTE OU DOUBLE. Dans le fond, vous pourriez (je pourrais) en parler pendant des semaines et des mois, décrivant, copiant, reformulant et imitant ; ou sélectionner la bonne musique pour aller avec (oui, ce serait une approche tout à fait appropriée, faire une liste des albums que vous pouvez écouter tout en lisant QUITTE OU DOUBLE ; en sachant que le livre sera différent en fonction des albums que vous écoutez pendant la lecture. Mais les albums sont décisifs.) ; ou le mesurer et le cartographier, essayer de le cuisiner (oui, le cuisiner, car ce livre parle de nouilles !), en caresser la couverture. Et cetera. C’est déjà plus que rien. Alors, il faut continuer. Allons-y : nous commencerons en dehors du livre avec une pile de pages tapées à la machine. Sur ces pages, il y a l’idée de QUITTE OU DOUBLE. Presque trois cents pages. C’est le livre. Un mémo de l’idée pour l’écrire. Un mémo des dispositions à prendre pour l’écrire. Un mémo des nombreuses possibilités de l’écrire. Les pages tapées à la machine donnent le jour à un premier livre en version allemande (l’auteur a trouvé le travail du traducteur si bon qu’il est devenu la base de l’édition américaine suivante - en version originale). Un livre dont les pages ne se ressemblent pas, ce qui vaut, dans le fond, pour tous les livres ; mais dans QUITTE OU DOUBLE, cela se voit vraiment. Au premier coup d’œil. Les mots qui apparaissent le plus fréquemment dans ce livre sont « peut-être », « par exemple », « questions » et bien sûr « nouilles ». Car sur cela que porte le livre (peut-on dire « porter sur quelque chose ? ») : en tout cas, on y trouve le calcul du nombre de boîtes de nouilles nécessaires pour pouvoir rester dans une pièce pendant un an et mettre noir sur blanc l’histoire de cette vie (ou tout du moins une vision de celle-ci). Et on y trouve aussi des listes : des listes de noms envisageables pour le protagoniste et les autres personnages. Des listes de variétés de nouilles. Tout dans la vie du caractère principal (qui a différents noms) paraît coïncider avec les détails de la vie de ce Raymond Federman dont le nom se trouve sur la couverture et sur la page de titre. QUITTE. OU DOUBLE. Le fait qu’il soit né en France. Qu’il ait survécu à la Shoah uniquement parce que sa mère l’a poussé dans une armoire d'un palier pendant une razzia (cette armoire se retrouve dans tous les livres dont le nom de Raymond Federman figure sur la couverture et la page de titre) ; la période de la guerre dans une ferme en France, la traversée vers les États-Unis, l’oncle qui l’emmène à Detroit, le temps passé dans l’usine automobile, le saxophone dont il commence à jouer, New York, l’armée, le fait d’être un écrivain. Le projet d'écrire l’histoire de sa vie. Et le livre qui parle de ce projet.
[ Info ] Federman, Raymond: Quitte ou double.
(original language: Englisch) Trad. Eric Giraud.
Al Dante,
2004
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ISBN: 2-84761-047-2.