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Petit éloge de la jalousie

Obiégly, Gaëlle

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[ Recommandation de stéphane gödicke ] Gaëlle Obiégly Petit éloge de la jalousie, Le vingt et un août  Gaëlle Obiégly a un style, c’est sûr. L’auteur de « Petit éloge de la jalousie » et de « Le vingt et un août » livre des analyses très fines sur la nature du sentiment, sur la jalousie et ses domaines (le prénom, l’enfant, les autres), ses manifestations (l’espionnage, le mensonge) et ses conséquences (la folie). Pourtant, à l’issue de la lecture, on demeure comme insatisfait, avec le sentiment que le roman n’a pas tenu toutes les promesses qu’il a fait naître. Je pense qu'une grande partie du problème est contenue dans le premier (très bon) chapitre de « Petit éloge de la jalousie » (« Le prénom »). L’auteur y expose que l’être jaloux ne peut se résoudre à l’acte sacré de nommer, à dire le nom des personnes dont il est jaloux, car nommer, c’est convoquer non seulement l’esprit mais le corps : « parce que le nom, c’est la personne. Le nom est corps – le corps de l’esprit. » Et à cela, l’auteur ne peut s’y résoudre. Le problème, c’est que la jalousie se nourrit d’expériences, se fixe sur des situations concrètes et sur des êtres, et que pour les raconter il faut quelques noms, des repères si l’on ne veut pas courir le risque de la confusion pour le lecteur. Dès lors qu’il y a une ambition narrative (même minimale, même pour mieux permettre d’alimenter une réflexion théorique) il faut des noms. Noms propres, noms de lieux, noms d’ouvrages, noms de personnes, on ne trouve quasiment rien de tout cela dans le « Petit éloge de la jalousie », pas plus d’ailleurs que dans « Le vingt et un août ». Il est question d’un « homme », de « la femme », d’un « ami de l’homme », de plusieurs personnages différents à qui la narratrice attribue le même nom vague de « Gamin », dans « Le vingt et un août »…), ce qui a pour effet de maintenir un certain flou sur les différents acteurs de ces deux romans. D’ailleurs, il n’y a pas réellement de personnages, mais pas non plus de types, il y a des êtres dont on peine à deviner l’identité ainsi que la nature de leurs relations. On ne sait pas toujours qui est le sujet, qui dit « je », qui est « elle ». La femme est-elle la même d’un bout à l’autre du roman ? Le résultat en est une certaine désorientation du lecteur. A mon sens, cela nuit aux qualités certaines des deux ouvrages. Le style de Gaëlle Obiégly est très poétique, il y a de très belles trouvailles, des vraies réussites, des formulations très réussies. In fine, cela renvoie à un problème de genre : il ne s’agit ni d’un ouvrage analytique, ni d’un récit (il n’y a pas d’histoire à proprement parler, avec des personnages, une intrigue, un développement, etc…), mais pas non plus d’un poème en prose. Non pas qu’il faille faire entrer l’objet littéraire à tout prix dans une catégorie, mais c’est juste que le mélange fait que l’ouvrage ne s’adresse ni entièrement à l’entendement ni entièrement au sentiment esthétique. Pour poser le problème dans les termes de Robert Musil, qui a tenté de redéfinir en son temps l’art du roman, on dira qu’il faut trouver le bon dosage entre le sentiment et l’intellect, entre l’expérience vécue et l’analyse. Personne n’aura la naïveté d’attendre d’un roman exclusivement la narration d’une histoire. Mais peut-être simplement de s’engager plus franchement sur la voie de la narration dans les passages narratifs, pour mieux d’en affranchir dans les moments analytiques.    

[ Citation préférée ] Un soir, au cinéma, avant le film, s'affiche sur l'écran un message d'amour signé d'un prénom féminin, celui d'une femme qui m'a précédée dans l'histoire d'amour actuelle au moment où cela arrive. (...) Le prénom, cette apparition, provoque un hurlement intérieur, un effroi comparable à celui que me fait la vision d'un rat. Je ne peux pas inscrire ce nom propre; et en inventer un, pour faciliter la relation de l'anecdote, n'aurait pas de sens. Après ça, pendant le film, je voyais s'afficher en lettres roses, sexuelles, ce prénom; une femme faisait des clins d'oeil; j'ai fini par fermer les yeux; je me suis endormie. Etre civilisée me fatigue.

[ Info ] Obiégly, Gaëlle: Petit éloge de la jalousie. (original language: français) Gallimard (Folio), Paris, 2007 (2007). ISBN: 978-2-07-034546-5.


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Genre: Roman
Mots-clés: vérité, roman, mythomanie, mensonge, jalousie
Langues (recommandation de livre): Français


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