4 x Littératures

En collaboration avec le plateforme litteraturesuisse.ch.

[ Recommandation de Gábor Palkó ] Cependant, ce n’est pas ce qu’il devint. Il aurait pu, mais ce ne fut pas le cas. Le roman évoque diverses voies possibles de la vie et la vision d’une vie réussie. Cependant, il ne se contente pas de les laisser inaccomplies, il les fait tomber dans la déchéance et l’anéantissement, dans le « sous-humain ». Ou alors le personnage est tout simplement tué, descendu au coin de la rue, étripé. Il préfère le crabe, mais pas pour le manger. Personne ne mange le crabe…le cancer bien sûr (ce roman est bien loin des considérations gastronomiques ou des subtilités artistiques). Le cancer ronge le corps, ou c’est l’alcool qui le fait. Le lecteur s’enchevêtre dans une sorte de toile d’inaccomplissement et de décrépitude si insensée et ignominieuse, que lorsqu’il referme son livre, il lui est difficile de s’en extirper.Le monde présenté est tellement désespérant et lugubre qu’il suscite chez le lecteur un geste de protestation instinctif. C’est l’un de ses effets les plus forts. Pourquoi personne ne réussit rien ? Pourquoi les personnages n’ont-ils aucune chance ? Et pourquoi les silhouettes sur la couverture n’ont-ils pas de mains afin de faire quelque chose ? De qui sont ces pensées, qui rendent tout vain et insensé ? A qui appartient cette voix pessimiste et même dépressive et fataliste qui méprise les êtres humains (et particulièrement les femmes) ? Et quel est le but, de nous montrer toutes ces horreurs ? Il n’y a aucune réponse à ces questions. Pas le moindre indice pour comprendre la raison pour laquelle tout doit être vu de cette manière. Le lecteur reste dans l’ignorance quant au rapport entre elles des phrases forgées de manière unique, à la langue laborieuse et décousue du texte dans cet environnement dévalorisé de ce monde fictif, et sans aucune valeur. C’est justement ce décalage qui nécessite et suscite l’activité du lecteur, la paresse n’est pas concevable lorsque nous voulons prendre part à l’expérience de la lecture. Il faut prendre des chemins de traverse qui vont au-delà des évènements, au-delà de la langue changeant en fonction de la mise en scène et des jeux compliqués du texte, si bien que même notre plus grande attention ne peut garantir que les choses se mettent correctement à leur place. La relation entre le travail, le texte, la langue et la vie est en perpétuel changement et en désordre, et le lecteur est appelé à enclencher ce processus.

[ Info ] Háy, János: A gyerek. Palatinus, Budapest, 2007 . ISBN: 9789639651555.