
Frère Jacques l'imprimer
[ Recommandation de Literatur Schweiz ] Jakob est mort à la naissance; depuis, il dort au ciel et veille sur la famille. Pendant ce temps, en bas, sur terre, se déroulent les histoires peuplant l’album de famille. Dans le salon du dimanche, près du fournil, trône le nouveau Saint des Saints, l’appareil de radio Grundig. Durant les heures creuses, il retentit des nouvelles de pays lointains. Elles ne parviennent pas à retenir l’oncle Franz à la maison, il préfère traverser le village sur sa Harley vrombissante, tandis qu’à midi, au cinéma du coin, Gary Cooper lutte seul contre tous. A petites touches brèves et précises, Klaus Merz évoque, non sans ironie, les années 1950 et leur quotidien familier.
Le livre fait 75 pages, ce n’est pas beaucoup, mais elles n’en rendent pas moins justice à l’étrange sous-titre «Eigentlich ein Roman» (En fait, un roman). Klaus Merz, ce maître des phrases laconiques et denses, s’en tient ici à son habitude de concision verbale, même si, de temps à autre, la narration anecdotique est parcourue d’un souffle puissant, presque épique. Cette prose merveilleusement simple est ponctuée de phrases enchantées et de figures de style finement modulées. A y regarder de plus près, on y perçoit une qualité de description précise. De retour de la séance de cinéma dominicale – «High Noon» –, le père a préparé le levain et la mère «lui a lissé les cheveux, mèches en bataille et balles perdues». Ce genre de phrases dévoile bien davantage que ne le ferait une démonstration.
(Beat Mazenauer, trad. par Marielle Larré)
[ Citation préférée ] «Am schwersten taten wir uns in Zeiten relativer Schmerzlosigkeit. Wir hielten die Latenz neuer Wunden nicht aus, wandten uns sofort fremdem Leiden zu, das wir jedoch noch weit schlechter ertrugen als die eigenen Bresten.»
[ Info ] Merz, Klaus: Frère Jacques.
. (original language: Deutsch) Jakob schläft.
Zoé,
Genève, 1998
(1997).
ISBN: 2-88182-345-9.
Traduit de allemand par Marion Graf