[ Consiglio per un libro di Karin S. Wozonig ] Jürg Jenatsch (1596-1639) est un personnage historique. C’était un pasteur réformé qui a combattu pour la liberté pendant la Guerre de Trente Ans, lors de la bataille des Grisons. S’inspirant de la vie de Jenatsch, l’auteur suisse C.F. Meyer, né en 1825, a écrit un roman historique intéressant, présentant des personnages à la psychologie complexe. Après avoir perdu sa femme « morte dans l’honneur », une scène d’ailleurs décrite de façon lapidaire et poignante (la famille de la jeune fille était catholique et son frère l’a tuée parce qu’elle avait pris le parti de son mari), Jenatsch est devenu défenseur fanatique de la liberté de sa patrie, combattant l’oppression catholique. Ce qui avait commencé comme la colère d’un héros populaire qui se révolte contre les classes sociales élevées, a fait place, au cours de l’histoire, à une conquête du pouvoir menée par un insurgé qui manipule et intrigue. Ce qui lui tient à cœur, c’est de montrer de quoi il est capable et le bien-être du peuple lui est de plus en plus égal. Ses serments faits aux hommes n’ont plus rien de sincère. Rien ne l’arrête dans sa volonté de renforcer son pouvoir politique. Pour arriver à ses fins, il va même jusqu’à trahir le Duc de Rohan, un homme bon et apprécié et, dans une affaire avec les Habsbourg, il retourne sa veste en matière de confession.  Le héros du livre est un personnage antipathique, mais Meyer arrive à rendre les lecteurs admiratifs, même ceux qui craignent ce personnage ou ceux qui l’ont percé à jour. Où qu’il soit, il est toujours le plus grand, le plus beau et le plus courageux. Et alors que les autres chevauchent des montures nerveuses, lui commande son étalon noir écumant de rage. Que la tempête fasse rage ou que le vent mugisse, il est sûr de remporter la victoire. L’amour de Lucretia pour Jenatsch qui a pourtant tué son père concorde tout à fait avec l’histoire, tout comme les chaudes larmes que verse son ami Waser (un bourgeois qui finit par se faire élire maire) à propos de cette reconversion catholique que Jenatsch fait juste pour renforcer sa célébrité. À la fin du roman, un meurtre vengeur est commis, et la chute du héros est imminente lorsqu’impitoyablement, il méprise une dernière fois l’opinion publique et insiste pour que l’on célèbre une fête en son honneur.  Dans Jürg Jenatsch, le narrateur conserve une distance par rapport aux personnages du roman. Grâce à cette perspective, l’absurdité des guerres de religion et la brutalité avec laquelle on impose les intérêts politiques deviennent une évidence.

[ Informazioni sul libro ] Meyer, Conrad Ferdinand : Jürg Jenatsch. (original language: Deutsch) Insel, 1988 .