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De quoi rêvent les hirondelles.
Roman.
Vienne, Picus, 2018.
ISBN: 978-3-7117-2071-9.
Daniela Meisel
extrait
Dans son roman Wovon Schwalben träumen (De quoi rêvent les hirondelles), Daniela Meisel dépeint les changements, d’abord infimes, puis de plus en plus importants, que subit un village du Waldviertel après la prise du pouvoir par les nazis. Les bouleversements politiques divisent amis et familles, déchirent les habitants du village. Ils ont surtout pour effet de déstabiliser la protagoniste, Freda, une jeune solitaire, qui se sent désemparée, impuissante. Car les adultes évitent de prendre clairement position sur ces changements politiques, et Freda est livrée à elle-même lorsqu’il s’agit de comprendre la situation.
Freda est la grand-mère de Marie, le personnage principal de la deuxième intrigue. Pour la jeune biologiste qu’elle est, l’appartement inhabité de sa défunte grand-mère est un lieu idéal pour réfléchir, puisque personne ne sait qu’il existe encore. Il y a une bonne raison au repli sur soi de la narratrice, Marie: Fritz, son compagnon nettement plus âgé, lui a fait une demande en mariage. Marie utilise ce temps de réflexion pour se faire, grâce ses expériences de la relation de couple, une image aussi réaliste que possible d’un avenir commun. Restera-t-elle indépendante? Pourra-t-elle continuer à réussir sa vie professionnelle? Quelles sont les motivations qui se cachent derrière cette demande en mariage?
Le quatrième roman de l’auteure autrichienne Daniela Meisel explore avec sensibilité la possibilité d’une vie libérée de tout déterminisme externe et de tout stéréotype sexiste. Freda est une sorte de Fifi Brindacier habitant dans le Waldviertel des années 1930, que les efforts maternels pour faire d’elle une gentille petite fille mettent mal à l’aise.On l’évite en tant qu’enfant illégitime, néanmoins elle trouveun ami en la personne de Benjamin, un marginal nouvellement arrivé . Ils se lisent des poèmes, contemplent la nature et cherchent une intimité solitaire. En bref, ils se détournent de l’esprit du temps, dominé par l’entraînement sportif, la discipline et la camaraderie. Au début, leur entourage les considère avec scepticisme, et le fait que Benjamin soit un «petit Juif» lui vaut bientôt des attaques directes, tant de la part des autres élèves que des habitants du village. Le jour où Benjamin, fils de l’épicier juif du village voisin, ne vient plus à l’école, Freda part à sa recherche et lance des investigations. Les raisons de la disparition de Juifs et de Juives s’imposent peu à peu à elle.
L’auteure expose les différentes réactions et les agissements des habitants, mais sans jamais les juger ni les commenter. La langue posée de Meisel ne se laisse pas troubler par les événements oppressants et angoissants qui coûtent des vies humaines et défont des liens familiaux. Le romangarde tout le long un rythme narratif assez lent. C’est cette réserve qui fait la particularité du roman, les vides laissant de la place à l’imagination du lecteur.
Extrait du compte-rendu d’Ursula Ebel, 6 novembre 2018,
traduit par Barbara Fontaine
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