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Neige en juin. Roman.
Vienne: Zsolnay Verlag, 2021.
192 p.; EUR 22,70.
ISBN 978-3-552-07224-4.
Ljuba Arnautovic
Extrait
Après "Im Verborgenen" (En cachette, 2018), le premier roman très remarqué de Ljuba Arnautovic, l’auteure viennoise née à Koursk propose avec Junischnee (Neige en juin) la deuxième partie de son histoire familiale on ne peut plus dramatique. Elle a composé un portrait à la recherche de son père en même temps qu’un récit vivant traitant des enfants du Schutzbund (organisation paramilitaire du Parti social-démocrate autrichien), de l’Union soviétique des années 40 et 50 et de la Vienne d’après-guerre.
Quelques jours avant le Jour de l’An de 1960, Karl Arnautovic se trouve à la gare de Hohenau, sur la Morava, la dernière station frontalière austro-tchèque, à attendre le train comportant un wagon en provenance directe de Moscou. Il espère pouvoir accueillir sous peu Nina, son épouse russe, et leurs deux enfants. Karl Arnautovic avait lui-même été responsable du départ précipité de Nina avec leur première-née quelques années auparavant. Il donne l’impression d’envisager un nouveau départ harmonieux, mais poursuit en fait une mission secrète. L’une des deux jeunes filles que Karl Arnautovic attend à la gare en cette soirée d’hiver est l’auteure elle-même, Ljuba Arnautovic.
Junischnee reprend quelques-uns des chapitres de l’historiographie euro-russe du 20ème siècle restés à peu près dans l’ombre. Les descriptions du quotidien soviétique sont particulièrement impressionnantes, comme lorsqu’après la mort de Staline, les gens sont frappés de désespoir et qu’éclate un réel deuil national. Complétant son récit par des documents originaux provenant des archives de l’Union Soviétique et du fonds Karl Arnautovic, l’auteure raconte les faits dans une langue généralement sobre et sans fioritures, dans une perspective purement documentaire. Au-delà de cet aspect neutre, la composition finement équilibrée du livre laisse cependant aussi la place à un ton très personnel, par exemple dans les lettres fictives du père à sa mère, à son épouse et à sa maîtresse.
Ljuba Arnautovic passe en revue une période qui va des années 30 jusqu’aux années 60, changeant de lieu entre l’Autriche et l’Union soviétique pour composer un portrait saisissant de son père à partir de passages en prose, de lettres fictives, de notes consignées et de matériaux d’archives. Quelle chance que l’auteure ait déjà lancé l’écriture de la troisième partie de son histoire familiale !
Version abrégée de la critique d’Ursula Ebel du 8 mars 2021,
traduite par Henri Christophe
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