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Deux enfants rois.
Roman.
Vienne, Czernin Verlag, 2020.
Sophie Reyer
Extrait
La Viennoise Sophie Reyer est l’une des auteures autrichiennes les plus prolifiques du moment. Son dernier ouvrage est, à n’en pas douter, un roman d’apprentissage, puisqu’il raconte au plus près le monde affectif et le coming of age d’une villageoise de treize ans aux prises avec elle-même, son enfance perdue et l’expérience du premier amour – ici, homosexuel.
Käthe, dont la mère a abandonné il y a quelque temps fille et mari, vit dans la petite ferme de son père, un « taiseux » qui s’adonne à l’alcool. À la chorale paroissiale, Käthe fait la connaissance de Johanna. La vieille chanson populaire des Deux enfants rois, séparés par des eaux trop profondes, sera la bande originale de leur relation, du moins pour Käthe. Elles deviennent bientôt amies, bien que Käthe soit rejetée par les parents de Johanna, riches et fervents croyants. Johanna, qui ne partage pas les sentiments inavoués de Käthe, verse de plus en plus dans une sorte de délire religieux qui exclut Käthe.
Des retrouvailles avec sa mère, qui lui avoue alors être absolument dépassée, finissent d’ébranler l’existence que Käthe essayait de se construire. Ce qui, au niveau du style, se traduit par un effacement progressif de la frontière entre souvenir et réalité.
Sophie Reyer traite ses personnages littéraires avec retenue. Ils sont rendus tels quels, ne sont jamais totalement victimes ou acteurs, simplement assujettis à des circonstances extérieures, et c’est ce qui fait le charme tout particulier de Zwei Königskinder.
Les passages poétiques que représentent les nombreux retours en arrière, nous rappellent que Sophie Reyer n’est pas seulement une narratrice hors pair, mais également une voix vive de la poésie qu’elle sait mêler à la prose avec naturel. Pour le reste, son style est dépourvu de fioritures, et cette langue sobre nous donne à voir une histoire d’amour sans la moindre sensiblerie, mais avec beaucoup d’empathie. Zwei Königskinder n’est pas un roman de jeunesse, car la narratrice, Käthe, semble avoir une vingtaine d’années de distance par rapport au temps du récit ; et même si les événements lui sont encore très présents, sa langue est celle d’une adulte.
Extrait du compte-rendu de Marcus Neuert du 23 avril 2020,
traduit par Nathalie Rouanet
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