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La voix contre.
Roman.
Residenz Verlag, 2021.
192 pages, EUR 20,-.
ISBN 978-3-7017-1736-1.
Thomas Arzt
Extrait
« Dimanche des Rameaux, avril 1938, et le village est décoré. » En ce 10 avril, ce n’est pourtant pas l’arrivée de Jésus à Jérusalem que fête le village, mais le « vote » censé légitimer l’Anschluss de l’Autriche à l’Allemagne nazie. Pour l’occasion, Karl Bleimfeldner, étudiant en histoire à Innsbruck, est rentré au pays.
Dans son premier roman, Thomas Arzt retourne sur les traces de son grand-oncle. Il a procédé à de méticuleuses recherches pour tenter de comprendre pourquoi, ce 10 avril 1938, son grand-oncle a été le seul habitant de ce petit village autrichien à voter « non » à l’Anschluss de l’Autriche au Reich.
Bien que Karl Bleimfeldner soit le personnage central, il n’est pas dépeint comme un héros résistant et les raisons de son acte ne sont pas élucidées. L’une des principales forces du roman est de ne jamais verser dans des interprétations partiales, mais au contraire de jouer sur les ambivalences des rapports sociaux et les nuances subtiles de caractères. Arzt ne cherche pas à expliquer tel que le ferait un pédagogue, mais simplement à créer une mise en scène littéraire.
L’ensemble des personnages du roman dresse un large panorama de cette société. La pression que subissent tous les habitants, chacun à sa manière, fera apparaître ouvertement leurs peurs, leurs détresses, leurs forces et leurs faiblesses. Et leur réaction au vote de Bleimfeldner ira de l’animosité, voire la colère, à une admiration timide.
Une des particularités du roman est sans aucun doute sa forme littéraire. Le style narratif est proche de la langue parlée par l’emploi de tournures familières et de constructions syntaxiques propres à l’oral, ce qui nous rappelle que nous n’avons pas affaire là à un récit documentaire, mais bien à un texte littéraire.
Thomas Arzt compte parmi les dramaturges autrichiens les plus importants de sa génération. Die Gegenstimme (La voix contre) est son premier roman. C’est précisément dans les dialogues, qui s’interrompent et s’effilochent sans cesse, que le talent de l’auteur se manifeste. Aussi galvaudé que soit le terme de polyphonie, il convient parfaitement à cet excellent roman. Un début réussi, politiquement clairvoyant et intelligent, et un véritable tour de force littéraire.
Version abrégée de la critique de Harald Gschwandtner du 7 juillet 2021,
traduite par Nathalie Rouanet
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