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Erzählung.
Wien: Deuticke Verlag, 2017.
112 S., geb.; 18,50 Euro.
ISBN 978-3-552-06360-0.
Paulus Hochgatterer
Extrait
Nos grands-pères étaient-il des «héros» ? Très peu. En Autriche et en Allemagne, à l’époque de nos grands-pères, c’est à dire à l’époque du national-socialisme, les héros se faisaient plutôt rares. La nouvelle de Paulus Hochgatterer, Der Tag, an dem mein Großvater ein Held war («Le jour où mon grand-père fut un héros») soulève la question de l’héroïsme – véritable ou prétendu – en se concentrant sur trois semaines de 1945, vers la fin de la guerre, lorsque les structures du système national-socialiste commencèrent à se disloquer, laissant place à un espace de droit.
Dans une ferme de Basse-Autriche se croisent les destins d’autochtones, de fugitifs et de soldats allemands. Nelly, 13 ans, orpheline de Souabes du Danube, a trouvé refuge dans cette famille de paysans. Elle appelle le fermier et la fermière, en qui elle a placé toute sa confiance, «grand-père» et «grand-mère». Elle a la faculté de percevoir les forces d’attraction et de répulsion autour d’elle. Elle devine par exemple le penchant d’Annemarie, la fille des fermiers, pour ce jeune étranger au drôle d’accent qui est un jour apparu. Mais comme elle pressent aussi que l’étranger est en danger, elle prétend que c’est également un Souabe du Danube. On apprendra plus tard que Michail est en réalité un étudiant des Beaux-arts de Minsk et un prisonnier de guerre évadé. Elle partage aussi un secret avec Laurenz, le frère du fermier.
Hochgatterer, psychiatre pour enfants et adolescents, parvient à merveille à décrire la singularité de Nelly: ce mélange attachant du goût enfantin pour le sensationnel, de naïveté, de désir sexuel naissant, le tout doté d’un regard original sur le monde.
Dans le texte sont enchâssés plusieurs récits internes qui ne sont pas racontés selon la perspective de Nelly, mais à la troisième personne. Ils laissent planer le doute quant au dénouement de l’histoire. Vers la fin, Michail, flanqué de trois soldats, marche vers son exécution. Mais en chemin, le fermier, le «grand-père» de Nelly, leur barre la route. On n’apprendra pas ce qui va advenir. Le fermier assommera-t-il l’officier allemand de sa pelle ou creusera-t-il une tombe pour le prisonnier de guerre ? Les deux voix narratrices ne parviennent pas à un accord.
Ce court récit de Paulus Hochgatterer soulève de nombreuses questions. Et pas seulement celle de la définition de l’héroïsme ou de l’influence de la perception subjective sur le fil de la narration. Mais aussi celle de la frontière entre fiction et ce que l’on nomme la réalité. Et comme ce que l’on nomme la réalité n’est fait, en grande partie, que de récits mis bout à bout, il serait bon de faire preuve de scepticisme face à chacun des récits.
Extrait du compte-rendu de Judith Leister du 2 octobre 2017,
traduit par Nathalie Rouanet
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